Introduction : La réunion, ce mal nécessaire
Les réunions sont aux entreprises ce que les embouteillages sont aux grandes métropoles : inévitables, souvent frustrantes, mais apparemment indispensables au fonctionnement de notre société moderne. Selon diverses études, un cadre moyen passerait entre 15 et 23 heures par semaine en réunion. C'est plus de temps que nous n'en consacrons à dormir certaines semaines, et probablement autant d'effet sur notre productivité qu'une nuit blanche.
Pourtant, il existe un art subtil pour transformer ces moments potentiellement chronophages en véritables sessions productives, ou du moins pour en sortir vivant et avec son moral intact. Ce guide exhaustif vous dévoile toutes les stratégies, de la plus noble à la plus pragmatique, pour maîtriser l'écosystème complexe des réunions professionnelles.
Partie 1 : Anatomie d'une réunion (et pourquoi elles tournent mal)
Les sept cercles de l'enfer réunionesque
Avant de pouvoir survivre à une réunion, il faut comprendre à quel type de supplice vous allez être confronté :
1. La réunion "Aurais-pu-être-un-email" Caractéristiques : Aucun débat nécessaire, informations descendantes, participants qui hochent la tête en silence. Durée : 45 minutes qui auraient pu être 3 paragraphes.
2. La réunion "Brainstorming sans limite" Le chaos créatif où tout le monde parle en même temps, où les idées fusent dans tous les sens, et où l'on repart sans aucune décision concrète mais avec une migraine garantie.
3. La réunion "Règlement de comptes" Quand deux collègues ou services transforment une réunion professionnelle en tribunal. Le reste de l'assemblée devient otage d'un conflit qui les dépasse.
4. La réunion "Monologue déguisé" Une personne parle pendant 55 minutes des 60 prévues. Les autres servent de faire-valoir muet. Questions acceptées uniquement si elles sont laudatives.
5. La réunion "Récursive" On y parle... de la prochaine réunion. Ou de la dernière. Ou du format des réunions. Une réunion sur les réunions, l'absurdité bureaucratique dans toute sa splendeur.
6. La réunion "Problèmes techniques" Les vingt premières minutes sont consacrées à faire fonctionner le projecteur, la visioconférence, ou à attendre celui qui "arrive dans 2 minutes" depuis 15 minutes.
7. La réunion "À quoi bon" Personne ne sait vraiment pourquoi on est là, pas d'ordre du jour, pas d'objectif clair. On discute, on tourne en rond, on repart comme on est venu.
Pourquoi les réunions dysfonctionnent
Les causes profondes du syndrome réunionite aiguë :
L'absence d'objectif clair: "On fait un point" n'est pas un objectif. C'est une excuse pour remplir un agenda.Le manque de préparation: Participants qui découvrent le sujet en arrivant, comme on découvre le menu au restaurant.La peur du conflit: On tourne autour du pot, on noie le poisson, on édulcore, on finit par ne rien dire d'important.Le syndrome du "tant qu'on est tous là": La réunion s'élargit à des sujets annexes parce qu'il serait "dommage de ne pas en profiter".L'effet spectateur: Plus il y a de participants, moins chacun se sent responsable de faire avancer les choses.
Partie 2 : L'art d'animer une réunion (pour les âmes courageuses)
Avant la réunion : La préparation, clé de voûte du succès
Posez-vous LA question existentielle : "Cette réunion est-elle vraiment nécessaire ?"
Appliquez le test en trois points :
L'information pourrait-elle être transmise par écrit ?Y a-t-il une décision à prendre collectivement ?Avons-nous besoin d'un débat ou d'une co-création ?
Si vous répondez non aux trois questions, annulez. Oui, vous avez ce pouvoir. Vous serez remercié secrètement par tous les participants potentiels.
Définissez un objectif SMART
Votre réunion doit avoir un but Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et Temporellement défini.
Mauvais objectif : "Faire un point sur le projet" Bon objectif : "Valider les trois options budgétaires pour la phase 2 du projet et choisir collectivement l'une d'entre elles avant la fin de la réunion"
Créez un ordre du jour structuré
Un vrai ordre du jour comprend :
Les sujets à aborder (évidemment)Le temps alloué à chacun (soyez réaliste)Le type d'intervention (information, discussion, décision)Les responsables de chaque pointLes documents de préparation nécessaires
Envoyez-le au moins 48 heures à l'avance. Cela donne le temps aux participants de se préparer, et surtout, de se désengager s'ils n'ont aucune valeur ajoutée.
Invitez les bonnes personnes (et seulement elles)
Chaque participant doit pouvoir répondre oui à au moins une de ces questions :
Ai-je une décision à prendre ?Ai-je une expertise indispensable au sujet ?Serai-je directement impacté par les décisions prises ?
Si quelqu'un n'est là "que pour être informé", envoyez-lui le compte-rendu. Vous lui ferez gagner une heure de sa vie.
Pendant la réunion : Techniques d'animation avancées
Commencez par un cadrage efficace (5 minutes max)
Les trois éléments à rappeler :
L'objectif de la réunion (le "pourquoi on est là")Le déroulé et les horaires (le "comment on procède")Les règles du jeu (téléphones en silencieux, une personne parle à la fois, etc.)
Technique du "parking à idées"
Sur un paperboard ou un document partagé, notez toutes les idées intéressantes mais hors-sujet qui émergent. Vous y reviendrez plus tard (ou pas). Cela évite les digressions tout en valorisant les contributions.
Maîtrisez l'art du timeboxing
Allouez un temps fixe à chaque sujet et tenez-vous-y religieusement. Utilisez un timer visible. Lorsque le temps est écoulé, trois options :
Conclure et passer au suivantDécider collectivement d'allouer 5 minutes supplémentairesReporter le sujet à une prochaine session
Gérez les personnalités difficiles avec diplomatie
Le bavard compulsif : "Merci Marc pour ce point de vue. Pour gagner du temps, qui d'autre a une perspective différente à partager ?"
Le muet stratégique : "Sophie, tu travailles directement sur ce sujet, qu'en penses-tu ?" (sollicitation directe mais bienveillante)
Le contradicteur systématique : "Pierre, tu soulèves un point important. Quelle solution alternative proposes-tu ?"
Le digresseur chronique : "C'est intéressant, mais revenons à notre objectif du jour. On pourra explorer cette piste après."
Le tyran technologique : "Pour que chacun soit pleinement présent, je propose qu'on mette tous nos téléphones en mode avion pour les 30 prochaines minutes."
La technique du silence productif
Après avoir posé une question importante, résistez à la tentation de combler le vide. Comptez jusqu'à 10 dans votre tête. Les meilleures idées émergent souvent après quelques secondes de silence inconfortable.
Synthétisez et reformulez régulièrement
Toutes les 15-20 minutes, faites un point : "OK, si je résume, nous avons décidé X, nous devons encore trancher sur Y, et Z nécessite plus d'informations. C'est bien ça ?"
Cette technique :
Maintient tout le monde alignéRévèle les malentendus avant qu'ils ne s'enracinentDonne une impression de progression
Conclure avec impact
Les dernières 5 minutes sont cruciales. Elles déterminent si votre réunion aura servi à quelque chose.
La checklist de clôture en 4 points :
Décisions actées: Listez clairement ce qui a été décidéActions concrètes: Qui fait quoi pour quand (le fameux "qui-quoi-quand")Points en suspens: Ce qui reste à résoudre et commentProchaines étapes: Y aura-t-il un suivi ? Sous quelle forme ?
Technique du tour de table final express
En 30 secondes maximum par personne : "Un mot sur comment vous repartez de cette réunion ?"
Cela permet de prendre la température et d'identifier les éventuelles frustrations avant qu'elles ne fermentent.
Après la réunion : Le suivi qui fait la différence
Le compte-rendu minimaliste
Envoyé dans les 24 heures, il contient :
Les décisions prises (pas les débats qui y ont mené)Les actions avec responsables et deadlinesLes pièces jointes ou références utilesLa date de la prochaine réunion si applicable
Soyez concis. Trois pages maximum. Les gens lisent rarement au-delà.
Le suivi des actions
Envoyez un rappel gentil 48 heures avant chaque deadline. Sans être oppressant, montrez que vous suivez. Les gens respectent ce qui est mesuré.
Partie 3 : L'art de participer à une réunion (pour les âmes pragmatiques)
La préparation du participant éclairé
Lisez l'ordre du jour (oui, vraiment)
Si vous avez reçu des documents de préparation, prenez 15 minutes pour les parcourir. Arriver préparé multiplie par dix votre valeur ajoutée potentielle.
Questionnez votre présence
Si l'ordre du jour vous convainc que vous n'avez rien à apporter, contactez l'organisateur : "Je vois que le sujet porte essentiellement sur X. Je ne pense pas avoir de valeur ajoutée sur ce point. Préfères-tu que je me libère et que je lise simplement le compte-rendu ?"
Cette approche honnête :
Montre votre respect du temps collectifLibère potentiellement du temps pour vousPeut encourager d'autres à faire de même
Pendant la réunion : Techniques de participation optimale
La règle des trois contributions
Visez trois interventions de qualité par réunion :
Une question de clarification qui bénéficie à tousUn apport constructif basé sur votre expertiseUn soutien ou une objection argumentée à une proposition
Moins, vous semblez absent. Plus, vous risquez de monopoliser la parole.
L'art de poser des questions puissantes
Les questions ouvertes qui font progresser :
"Quelles sont les implications de cette décision sur [autre équipe/projet] ?""Quelles alternatives avons-nous explorées ?""Qu'est-ce qui nous empêcherait de mettre cela en œuvre ?""Comment mesurerons-nous le succès de cette initiative ?"
Évitez les questions-accusations : "Pourquoi n'as-tu pas pensé à X ?" Préférez : "Avons-nous considéré X ?"
La technique du "Oui, et..." au lieu du "Oui, mais..."
Dans les phases créatives, construisez sur les idées des autres plutôt que de les démolir immédiatement.
Destructeur : "Oui, mais ça coûterait trop cher." Constructif : "Oui, et si on réduisait le périmètre à la phase pilote pour limiter les coûts initiaux ?"
Maîtrisez votre langage corporel
En présentiel :
Contact visuel avec la personne qui parle (pas avec votre écran)Posture ouverte (bras non croisés)Hochements de tête pour montrer l'écoute activePrise de notes visible (signe d'attention)
En visio :
Caméra allumée (dans la mesure du possible)Regard vers la caméra quand vous parlezUtilisez les réactions émoji avec parcimonie mais stratégiquementHochez la tête de temps en temps
La stratégie du contradicteur constructif
Si vous devez vous opposer à une idée :
Reconnaissez d'abord le positif: "J'apprécie l'ambition de cette proposition..."Exprimez votre inquiétude de manière factuelle: "...mais j'ai une préoccupation concernant les délais, voici pourquoi..."Proposez une alternative ou une question: "...pourrait-on envisager de procéder par étapes ?"
Cette structure évite de passer pour un râleur systématique.
Les techniques de survie discrète
Parfois, malgré vos meilleures intentions, vous vous retrouvez dans une réunion qui part en vrille. Voici comment survivre avec dignité.
La technique de la prise de notes stratégique
Prenez des notes même si elles ne serviront jamais. Cela :
Vous donne une contenanceVous fait passer pour quelqu'un d'engagéVous permet de décrocher mentalement par moments sans que ça se voieVous occupe les mains (moins tentant de sortir le téléphone)
Le jeu du bingo réunion (version mentale)
Créez mentalement une grille avec les classiques :
"Peut-on mettre ça dans le parking ?""On n'a pas assez de data pour décider""Il faudrait refaire un point""Ça mériterait une réunion dédiée""On l'avait déjà dit la dernière fois"
Ce petit jeu interne vous aide à rester attentif tout en vous distrayant.
La contribution minimale viable
Si vous devez absolument assister à une réunion peu pertinente pour vous, préparez d'avance une ou deux questions intelligentes. Posez-les au moment opportun. Cela montre votre présence sans nécessiter un engagement profond.
Partie 4 : L'art de fuir une réunion avec élégance (pour les âmes libres)
Les excuses légitimes et bulletproof
Niveau 1 : Les excuses professionnelles irréfutables
"J'ai un appel client qui ne peut pas être décalé""Je suis en deadline critique sur [projet important connu de tous]""J'ai une présentation devant le comité de direction à préparer""J'interviens dans une autre réunion stratégique sur le même créneau"
Niveau 2 : Les excuses créatives mais crédibles
"Je vais être en déplacement avec une connexion incertaine, je risque de couper régulièrement. Puis-je avoir le compte-rendu à la place ?""J'ai un rendez-vous médical impossible à reporter" (utilisez avec parcimonie)"Je suis en formation externe ce jour-là"
Niveau 3 : L'honnêteté stratégique (pour les environnements matures)
"En regardant l'ordre du jour, je ne pense pas avoir de valeur ajoutée sur ces sujets. Puis-je me libérer ?""J'ai déjà trois réunions ce jour-là. Pour être efficace partout, je propose de déléguer ma participation à [collègue] sur ce sujet."
La technique du "départ anticipé négocié"
Si vous devez assister mais que votre présence n'est cruciale que pour une partie :
"Je dois partir à 15h30 pour [raison légitime]. Pourrions-nous traiter le point qui me concerne en début de réunion ?"
Avantages multiples :
Vous montrez de la considération en prévenantVous forcez une meilleure gestion du tempsVous partez légitimement sans culpabilitéVous créez un précédent pour les autres
La délégation stratégique
"Je ne pourrai pas assister, mais [collègue] me représentera et a toute ma confiance pour prendre les décisions qui s'imposent."
Conditions de succès :
Briefez vraiment votre remplaçantDonnez-lui les éléments et votre avis sur les sujetsAssumez ses décisions a posterioriNe lui faites pas porter le chapeau si ça se passe mal
Le ghosting professionnel (à éviter, mais parlons-en)
Ce qu'il ne faut JAMAIS faire :
Accepter puis ne pas venir sans prévenirLire vos emails ostensiblement pendant toute la réunionGarder la caméra éteinte et le micro coupé en visio en faisant autre choseInventer des urgences fictives à répétition (on vous grille rapidement)
Ces comportements détruisent votre crédibilité et créent une ambiance toxique.
La stratégie de l'optimisation progressive
Si vous êtes submergé de réunions :
Semaine 1 : Identifiez toutes vos réunions récurrentes Semaine 2 : Pour chacune, évaluez votre valeur ajoutée sur 10 Semaine 3 : Proposez de vous retirer de celles où vous êtes sous 5/10 Semaine 4 : Négociez un format alternatif (compte-rendu, point individuel plus court)
Résultat : Vous récupérez 30 à 40% de votre temps sans froisser personne.
Partie 5 : Les formats de réunion alternatifs (pour les innovateurs)
Le Stand-Up Meeting (réunion debout)
Principe : Tout le monde reste debout, 15 minutes maximum Idéal pour : Points quotidiens d'équipe, synchronisation rapide Pourquoi ça marche : L'inconfort physique incite à la concision
Format type : Chacun répond en 2 minutes max à :
Qu'ai-je fait hier ?Que vais-je faire aujourd'hui ?Quels sont mes blocages ?
La réunion "Walking"
Principe : Réunion à deux en marchant dehors Idéal pour : Discussions stratégiques, feedbacks, brainstorming Pourquoi ça marche : Le mouvement stimule la créativité, moins de hiérarchie face à face, conversations plus authentiques
Le "Silent Meeting" d'Amazon
Principe : Les 15 premières minutes, tout le monde lit en silence le document de présentation de 6 pages maximum Idéal pour : Décisions importantes nécessitant réflexion Pourquoi ça marche : Tout le monde part du même niveau d'information, les questions sont plus pertinentes
La technique Lean Coffee
Principe :
Chacun propose des sujets (5 min)Vote pour prioriser les sujets (3 min)Discussion par sujet avec timeboxing strict (7 min par sujet)À la fin de chaque sujet, vote pour continuer ou passer au suivant
Idéal pour : Réunions exploratoires, partage de connaissances Pourquoi ça marche : Démocratique, dynamique, empêche les monopolisations
Le "No-Meeting Day"
Principe : Un jour par semaine (souvent le mercredi) sans aucune réunion dans toute l'entreprise Idéal pour : Préserver du temps de concentration profonde Pourquoi ça marche : Force à concentrer les réunions, valorise le travail individuel
La règle des "Two Pizza Teams"
Principe : Si l'équipe en réunion ne peut pas être nourrie avec deux pizzas (environ 6-8 personnes), c'est trop grand Idéal pour : Réunions de décision, brainstorming Pourquoi ça marche : Limite l'effet spectateur, facilite les échanges
Partie 6 : Diplomatie avancée et gestion des situations délicates
Gérer un conflit qui éclate en réunion
Étape 1 : Reconnaître la tension sans l'amplifier "Je sens qu'il y a un désaccord profond ici. C'est important de l'adresser."
Étape 2 : Séparer les positions des intérêts "Marc, qu'est-ce qui est vraiment important pour toi dans cette proposition ?" "Sophie, quelle est ta préoccupation principale ?"
Étape 3 : Proposer un format adapté "Ce sujet mérite manifestement plus de temps. Je propose qu'on planifie une session spécifique avec vous deux et un médiateur neutre."
Ce qu'il ne faut PAS faire :
Minimiser : "Allez, c'est pas si grave"Prendre parti publiquementLaisser l'escalade se poursuivre devant tout le mondeFaire comme si de rien n'était
Quand votre boss monopolise la parole
Approche diplomatique n°1 : La redirection inclusive "C'est une perspective très intéressante. J'aimerais aussi entendre ce que les personnes qui travaillent directement sur le terrain en pensent. Marie, Julien, votre avis ?"
Approche diplomatique n°2 : L'intervention structurante "Pour qu'on puisse tous contribuer, je propose qu'on fasse un tour de table rapide où chacun partage son point de vue en 2 minutes."
Approche diplomatique n°3 : Le feedback en privé Après la réunion : "J'ai vraiment apprécié tes insights aujourd'hui. Je pense que l'équipe aurait aussi des perspectives intéressantes à partager si on leur donnait un peu plus d'espace de parole. Qu'en penses-tu ?"
Survivre à une réunion en visio avec des problèmes techniques
Le kit de survie technique :
Toujours avoir un plan B: Numéro de téléphone pour rejoindre par audio, document partagé pour communiquer par écritLa phrase magique: "Je vais me déconnecter et me reconnecter, continuez sans moi"L'humour désarmant: "Bienvenue dans mon bureau, désolé pour le bruit de fond, c'est mon chat qui participe activement"Le minimum viable: Préparez une version ultra-simplifiée de votre présentation sans partage d'écran
Le protocole du bug collectif : Si plus de 3 personnes ont des problèmes techniques, proposez de basculer sur un autre format : "On dirait que la technologie n'est pas avec nous aujourd'hui. On reprogramme ou on fait un point par email ?"
Quand vous êtes en désaccord avec une décision collective
L'objection constructive en 4 temps :
Reformulez pour montrer que vous avez compris: "Si je comprends bien, vous proposez de..."Reconnaissez les avantages: "Je vois l'intérêt, notamment..."Exprimez votre préoccupation spécifique: "Ma crainte porte sur..."Proposez une alternative ou une condition: "Pourrions-nous envisager de... OU ... serais-tu d'accord pour qu'on mette en place un point de contrôle dans 2 semaines ?"
Le "disagree and commit"
Si après débat, la décision majoritaire va à l'encontre de votre avis : "Je reste convaincu que X aurait été préférable, mais je comprends les arguments en faveur de Y. L'équipe a tranché, je m'engage donc pleinement sur Y et ferai tout pour que ça fonctionne."
Cette posture :
Maintient votre intégrité intellectuelleMontre votre loyauté à l'équipeÉvite le sabotage passifVous permet de dire "je l'avais dit" si ça tourne mal (mais avec élégance)
Partie 7 : Psychologie des réunions et biais cognitifs
Comprendre les dynamiques de groupe
L'effet HiPPO (Highest Paid Person's Opinion) La tendance à suivre l'opinion de la personne la plus haut placée hiérarchiquement, même si elle n'est pas la plus compétente sur le sujet.
Contre-mesure : Le vote anonyme ou la technique du "tour de table inversé" (on commence par les juniors).
La pensée de groupe (Groupthink) Quand le désir de consensus l'emporte sur l'évaluation réaliste des alternatives.
Contre-mesure : Désignez un "avocat du diable" officiel dont le rôle est de challenger systématiquement.
Le biais d'ancrage La première proposition devient la référence et influence toutes les discussions suivantes.
Contre-mesure : Demandez plusieurs propositions avant de débattre. Utilisez le brainstorming silencieux (chacun note ses idées avant de les partager).
L'effet de halo Une personne éloquente ou charismatique sera perçue comme plus compétente, indépendamment de la qualité de ses arguments.
Contre-mesure : Insistez sur les faits, les données, les exemples concrets. "C'est intéressant, peux-tu nous donner un exemple spécifique ?"
Les archétypes de participants (et comment interagir avec eux)
Le Perfectionniste Paralysant Trouve toujours une raison de reporter la décision pour "creuser encore un peu". Interaction optimale : "Je comprends qu'on veuille être exhaustif, mais quelle information minimum nous permettrait de prendre une décision à 80% de confiance ?"
Le Positive-Toxic "Super idée !" à toutes les propositions, même contradictoires, sans jamais s'engager réellement. Interaction optimale : "Content que tu apprécies les deux options. Laquelle recommandes-tu concrètement et pourquoi ?"
L'Expertise-Bomber Utilise son expertise pour écraser toute discussion par des arguments techniques. Interaction optimale : "Ton expertise est précieuse. Peux-tu nous expliquer en termes simples pour que toute l'équipe comprenne les enjeux ?"
Le Spectateur Silencieux Présent physiquement, absent mentalement. Ni contribution ni opposition. Interaction optimale : Sollicitation directe mais bienveillante sur un sujet qui le concerne. S'il n'a vraiment rien à dire, peut-être n'avait-il pas à être là.
Le Digresseur Sympathique Part d'un point valide puis dérive pendant 10 minutes sur des anecdotes tangentielles. Interaction optimale : "Merci pour ce contexte, revenons à notre point : concrètement, qu'est-ce que tu recommandes ?"
Partie 8 : La révolution culturelle des réunions
Créer une charte des réunions dans votre équipe
Une charte collective définit les règles du jeu acceptées par tous. Exemple :
Notre engagement réunions :
Aucune réunion sans ordre du jour envoyé 48h avantDroit de décliner si on n’a pas de valeur ajoutéeTimeboxing strict : on commence et on finit à l’heureRègle des 3-30-3 : maximum 3 sujets, 30 minutes, 3 décisionsPas de téléphone sauf urgence familialeCompte-rendu envoyé dans les 24h avec les actions et responsablesUn "No-Meeting Friday" par mois pour respirer
Comment l’implémenter :
Co-création en équipe (pas imposée d’en haut)Vote démocratique sur chaque règleRévision tous les 6 moisDroit de veto si une règle ne fonctionne pas
Le "Return on Time Invested" (ROTI)
À la fin de chaque réunion, chacun évalue anonymement (via un outil ou en levant de 1 à 5 doigts) :"Le temps que j’ai investi dans cette réunion était-il utile ?"
1 = perte de temps totale3 = mitigé5 = extrêmement utile
Si la moyenne descend sous 3 pendant trois réunions consécutives, ce n’est plus une réunion, c’est un rituel sacrificiel.
Le "Meeting Cost Calculator"
Certaines entreprises affichent en temps réel le coût de la réunion en cours :(Nombre de participants × salaire horaire moyen × durée).
“Cette réunion coûte actuellement 847 € à l’entreprise.”
Rien de tel pour que tout le monde se demande soudain : “Et si on réglait ça par mail ?”
Le changement de culture
Une organisation mature ne se mesure pas au nombre de réunions tenues, mais à la rareté et à la qualité de celles qui subsistent.Passer d’une culture de la réunion à une culture de la décision demande du courage :
Dire non sans culpabilitéValoriser le silence comme outil de réflexionFormer les managers à la facilitation plutôt qu’à la dominationEt surtout, mesurer le temps comme une ressource vitale, pas comme un remplissage d’agenda.
C’est une révolution douce, presque invisible, mais elle change tout : moins de bruit, plus de sens, et des cerveaux qui recommencent à penser.
Partie 9 : Conclusion — La réunion, miroir déformant de l’humanité moderne
Les réunions ne sont pas le problème. Ce sont les humains.Mettez dix personnes intelligentes dans une pièce, retirez-leur l’air, donnez-leur un PowerPoint de 47 slides et une connexion Teams instable : vous venez d’inventer le chaos organisé.
Mais soyons justes : les réunions ne sont pas qu’un supplice. Elles révèlent aussi la complexité fascinante de nos interactions.Elles montrent la peur du vide, la quête de reconnaissance, la dépendance au collectif.Ce ne sont pas des réunions qu’il faut abolir — ce sont nos réflexes de survie bureaucratique qu’il faut rééduquer.
Apprendre à se taire, à écouter, à préparer, à décider.À comprendre qu’une heure passée ensemble coûte plus cher que tous les cafés du mois, et doit donc produire autre chose qu’un “on se tient au courant.”
La morale de l’histoire
Si ça pouvait être un email, que ça le devienne.Si ça doit vraiment être une réunion, qu’elle soit courte, claire et utile.Si elle tourne mal, gardez votre calme et votre dignité : l’enfer passe toujours.Et si tout échoue… invoquez une panne Wi-Fi. C’est la version moderne du parachute d’urgence.
“Les réunions sont à la productivité ce que les feux de camp étaient à la préhistoire : on s’y réunit pour se rassurer, pas pour inventer la roue.”
Et si, finalement, la meilleure réunion de votre vie… était celle que vous avez eu le courage d’annuler ?