Arc-en-ciel et alliances : mariages et divorces LGBT en France en 2025
Entre normalisation douce et surprises statistiques
Le 29 mai 2013, Vincent Autin et Bruno Boileau s’unissaient à Montpellier. Premier mariage homosexuel célébré en France, retransmis en direct à la télévision, symbole d’une conquête historique. Douze ans plus tard, ce « oui » fondateur a cessé d’être un événement pour devenir une évidence.
En 2024, sur 247 000 mariages célébrés, environ 7 000 l’ont été entre personnes de même sexe — soit 2,83 %. La révolution s’est muée en normalité, et cette banalisation en dit long sur la maturité du pays.
Le grand "rattrapage" est terminé
En 2014, année du pic post-loi Taubira, on comptait 10 522 mariages entre personnes de même sexe. Depuis, la tendance s’est stabilisée : environ 7 000 unions par an. L’« effet rattrapage » des couples qui attendaient depuis des années leur tour de mairie appartient au passé.
Entre 2013 et 2024, près de 85 000 mariages homosexuels ont été célébrés en France. Le chiffre n’a rien de spectaculaire — il témoigne d’une intégration tranquille plus que d’une explosion militante.
PACS vs Mariage : le grand match
Contrairement aux couples hétérosexuels, qui renouent doucement avec le mariage, les couples LGBT ont opté pour le PACS comme voie privilégiée.
De 2013 à 2016, les mariages dominaient (32 753 mariages contre 26 474 PACS). Depuis 2017, la tendance s’est inversée :
en 2023, 10 627 PACS de même sexe contre 6 614 mariages.
Et ce choix s’inscrit dans une évolution globale : le PACS séduit l’ensemble de la population, bien au-delà de la communauté LGBT. Plus souple, plus égalitaire dans sa forme, plus simple à rompre — il colle mieux à l’époque.
Après des années de lutte pour le mariage, beaucoup découvrent que la liberté réside dans le choix… de ne pas se marier.
Gays vs lesbiennes : qui se marie ?
En 2024, les mariages entre femmes représentent 48 % des unions LGBT, contre 52 % entre hommes.
Mais la différence d’âge reste nette : 39 ans pour les femmes mariées, 45 ans pour les hommes.
Six ans d’écart, reflet d’habitudes différentes — ou peut-être d’une maîtrise masculine du célibat prolongé, nourrie aux brunchs et profils Grindr encore actifs.
Paris, capitale arc-en-ciel… mais pas hégémonique
Paris reste un haut lieu symbolique du mariage LGBT, sans pour autant concentrer tout l’amour : 8 à 9 % des unions y sont célébrées, et environ 18 % en Île-de-France.
L’Ouest du pays tire aussi son épingle du jeu, avec des taux légèrement supérieurs à la moyenne nationale (Charente-Maritime, Calvados, Orne…).
Les unions LGBT demeurent plus urbaines que les hétérosexuelles, mais la carte se diversifie. L’amour arc-en-ciel n’a plus peur du clocher ni du code postal rural.
Divorce : le grand angle mort
Sur ce terrain, la France reste muette : aucune donnée officielle ne distingue les divorces homosexuels.
Nos voisins, eux, ont parlé.
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Pays-Bas : les couples de femmes divorcent environ deux fois plus que les couples d’hommes (source : CBS).
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Angleterre et Pays de Galles : en 2019, 72 % des divorces de couples de même sexe concernaient des couples de femmes (ONS).
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Finlande : en 2018, 94 divorces de couples de femmes contre 38 de couples d’hommes (Statistics Finland).
Conclusion : les couples lesbiens divorcent davantage, les couples gays un peu moins, les hétéros entre les deux. L’égalité amoureuse, oui, mais pas l’uniformité.
Pourquoi les lesbiennes divorcent plus ?
Les chercheuses évoquent deux raisons principales :
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Les femmes, toutes orientations confondues, sont plus enclines à mettre fin à une relation insatisfaisante. Deux femmes ensemble = double lucidité.
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Les couples de femmes emménagent souvent plus vite après la rencontre. Le célèbre syndrome du “U-Haul”, clin d’œil à ces déménagements express du deuxième rencard, laisse parfois peu de temps à la réflexion.
LGBT et hétéros : même combat ?
Oui, parce que les trajectoires convergent : mariage en recul, formes d’union diversifiées, rencontres numériques banalisées.
Non, parce que les LGBT ont réinventé le contrat conjugal à leur image : plus souple, plus urbain, moins contraint.
Le mariage n’est plus un devoir mais un choix. Et ce choix, même minoritaire, en dit long sur la maturité sociale atteinte.
L’acceptation sociale : mission presque accomplie
En 2024, 62 % des Français se déclaraient favorables au mariage pour tous, contre 66 % en 2023. Une baisse marginale, qui s’inscrit dans un recul général des soutiens aux causes LGBT+ à l’échelle européenne.
Selon Ipsos Pride 2024, 10 % des Français s’identifient comme LGBT+ — toutes identités confondues — avec de fortes disparités : 18 % chez les Gen Z, 4 % chez les baby-boomers.
Le soutien aux marques engagées suit la même pente : 39 % des Français y sont favorables, contre 44 % dans le monde.
Le futur reste arc-en-ciel, mais les couleurs pâlissent parfois selon les humeurs du climat social.
Conclusion : ni révolution, ni conformité
Douze ans après la loi Taubira, le mariage pour tous n’est plus un cri de victoire, mais un fait social établi.
Les couples LGBT n’ont ni bouleversé ni abandonné l’institution : ils l’ont adaptée, humanisée, rendue plus fluide.
Le changement, c’est cette banalisation paisible, cette évidence tranquille.
Un mariage gay ou lesbien n’étonne plus personne. Il se fond dans le paysage, entre PACS, alliances et recompositions.
7 000 mariages par an, c’est la preuve que l’amour, quel que soit son genre, a cessé d’être un manifeste pour redevenir une évidence.
Arc-en-ciel ou pas, aimer reste compliqué — et c’est sans doute ce qui le rend si universel.
Sources :
INSEE – Mariages selon le sexe des époux (2013-2024) ; INED ; Ipsos Global Advisor Pride 2023-2024 ; Statista ; ONS (UK) ; CBS (Pays-Bas) ; Statistics Finland ; Europe 1 ; Mariages.net ; Cairn.info.