Le VIH en France en octobre 2025 : État des lieux et avancées de la recherche
Une épidémie qui persiste malgré des progrès significatifs
Quarante-quatre ans après la découverte du VIH, la situation en France en octobre 2025 témoigne d'avancées médicales considérables, mais aussi de défis persistants dans la lutte contre cette infection.
Les chiffres clés de l'épidémie en France
En 2024, environ 5 100 personnes ont découvert leur séropositivité VIH en France, un chiffre qui semble se stabiliser après la hausse observée entre 2020 et 2023. Cette stabilisation intervient après la perturbation causée par la pandémie de Covid-19, qui avait fortement réduit le dépistage en 2020.
La population vivant avec le VIH en France est estimée à environ 200 000 personnes. Parmi elles, la cascade de soins de 2023 révèle des résultats remarquables : 94 % des personnes vivant avec le VIH sont diagnostiquées, 96 % d’entre elles sont sous traitement antirétroviral, et 97 % des personnes traitées ont une charge virale indétectable. Ces chiffres placent la France parmi les pays les plus performants dans la prise en charge du VIH.
🗣️ Dr Stéphanie Boulanger, infectiologue à l’hôpital Tenon (Paris) :
« Nous avons atteint des niveaux de prise en charge exceptionnels. Le vrai défi aujourd’hui, c’est de dépister plus tôt et de ne laisser personne hors du système de soins. »
Toutefois, environ 9 700 personnes vivraient avec le VIH sans le savoir en 2024, un chiffre en baisse notable. Cette révision s’explique par de nouvelles méthodes de calcul plus précises mises en place par Santé publique France.
Un diagnostic encore trop tardif
L’un des défis majeurs demeure le diagnostic tardif : 43 % des infections à VIH ont été découvertes à un stade avancé en 2024, dont 27 % à un stade sévère. Le délai médian entre l’infection et le diagnostic reste de 1,9 an, variant selon les populations : proche d’un an pour les HSH, mais jusqu’à 3 ans pour les hommes nés en France, et encore plus long pour les personnes nées à l’étranger ou les usagers de drogues injectables.
🗣️ Lucas, 32 ans, diagnostiqué en 2023 :
« J’ai attendu un an avant de faire le test. J’étais fatigué, j’avais peur du résultat… Finalement, ça m’a soulagé. Le traitement m’a remis sur pied et je vis comme tout le monde. »
Le dépistage en progression
Le nombre de sérologies VIH réalisées atteint 8,5 millions en 2024, selon Santé publique France. Depuis l’élargissement du dispositif de dépistage sans ordonnance et sans avance de frais aux IST en septembre 2024, le nombre mensuel de jeunes de moins de 25 ans testés pour le VIH a doublé, preuve de l’efficacité de cette mesure d’accessibilité.
Une épidémie qui touche diversement les populations
Plus de la moitié (56 %) des personnes découvrant leur séropositivité en 2024 sont nées à l’étranger. Parmi elles, 43 % ont été contaminées après leur arrivée en France, soulignant la nécessité d’une prévention ciblée. Le délai médian entre l’arrivée sur le territoire et le diagnostic n’est que de trois mois, témoignant d’un accès relativement bon au dépistage.
L’Île-de-France concentre environ 40 % des nouveaux diagnostics et reste de loin la région la plus touchée, avec une prévalence nettement supérieure au reste du territoire. L’épidémie y recule dans la plupart des groupes, sauf chez les HSH nés à l’étranger.
💬 Rachid K., coordinateur de AIDES Île-de-France :
« Les inégalités territoriales et sociales pèsent encore lourd. On voit une fatigue des campagnes de prévention et un désengagement politique inquiétant. »
🗺️ Infographie suggérée : Carte de l’Île-de-France montrant la répartition régionale des nouveaux diagnostics VIH (2024).
La prévention : des outils efficaces mais sous-utilisés
La PrEP : une révolution préventive encore insuffisamment diffusée
La prophylaxie pré-exposition (PrEP), disponible en France depuis 2016 et remboursée par l’Assurance maladie, permet de réduire drastiquement le risque d’infection (efficacité proche de 99 % lorsqu’elle est bien utilisée). Pourtant, sa diffusion reste limitée : les femmes ne représentent que 5,7 % des initiations de PrEP en 2024, alors qu’elles comptent pour environ un tiers des nouveaux diagnostics.
🗣️ Sarah, 27 ans, utilisatrice de la PrEP depuis 2023 :
« J’ai découvert la PrEP par hasard sur TikTok. Mon médecin ne m’en avait jamais parlé. Je me sens enfin actrice de ma santé sexuelle, mais autour de moi, beaucoup de femmes ignorent que c’est aussi pour elles. »
💊 Encadré chiffré : le coût de la PrEP orale
Avant remboursement, la PrEP (Truvada ou générique) coûte environ 50 € par mois. En France, elle est remboursée à 100 %, ce qui en fait un outil préventif accessible — à condition d’en connaître l’existence.
La PrEP peut être prise de façon continue ou ponctuelle (selon les situations à risque). Une version injectable tous les deux mois, le cabotégravir, a obtenu son autorisation européenne en 2022, mais n’est toujours pas disponible en France faute d’accord tarifaire.
Les traitements antirétroviraux : un changement de paradigme
Les traitements antirétroviraux (ART) ont révolutionné la vie des personnes vivant avec le VIH. Ils permettent aujourd’hui une espérance de vie comparable à celle des personnes séronégatives. De plus, ils suppriment le risque de transmission : une personne sous traitement efficace et indétectable ne transmet pas le virus (I = I, Indétectable = Intransmissible).
🗣️ Pr Philippe Morlat, président du Conseil national du sida et des hépatites virales :
« Le VIH n’est plus une fatalité. Ce qui tue encore, c’est la stigmatisation et le retard de dépistage. »
🧩 Infographie suggérée : Cascade de soins VIH France 2024 – 94 % diagnostiqués / 96 % sous traitement / 97 % indétectables.
Encadré pratique : se faire dépister et accéder à la PrEP
🩺 Où se faire dépister ?
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CeGIDD : gratuits, anonymes, sans rendez-vous.
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Laboratoires de ville : test VIH sans ordonnance et sans avance de frais.
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Autotests VIH : disponibles en pharmacie (environ 25 €), simples d’utilisation, résultat en 15 minutes.
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Associations : AIDES, Sidaction, Le Kiosque Info Sida… souvent via tests rapides (TROD).
💊 Comment accéder à la PrEP ?
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Prescription par médecin généraliste ou CeGIDD.
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Remboursée à 100 % par la Sécurité sociale.
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Suivi tous les 3 mois : dépistage VIH/IST et contrôle rénal.
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Plus d’infos sur sida-info-service.org (0 800 840 800, anonyme et gratuit).
Les défis budgétaires
En octobre 2025, les associations de lutte contre le VIH alertent sur le sous-financement du secteur dans le projet de loi de finances 2026. Act Up-Paris dénonce notamment l’absence d’extension de la Prime Ségur au personnel médico-social associatif, ainsi qu’un budget stagnant pour la prévention et la PrEP.
Ces manques menacent la continuité des programmes auprès des publics les plus exposés.
Les avancées de la recherche : des espoirs concrets
Le lénacapavir : une révolution dans la prévention
La grande avancée de 2024-2025 est incontestablement le lénacapavir, un inhibiteur de la capside du VIH au profil exceptionnel. Les essais de phase III PURPOSE 1 et PURPOSE 2 ont montré des résultats impressionnants :
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100 % d’efficacité chez les jeunes femmes africaines (PURPOSE 1)
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99,9 % d’efficacité dans d’autres groupes de genres et régions du monde (PURPOSE 2)
La revue Science l’a désigné comme « médicament de l’année 2024 ». Son atout majeur : une seule injection sous-cutanée tous les six mois, contre une prise quotidienne pour la PrEP orale.
Le lénacapavir a été approuvé par la FDA (Yeztugo) en juin 2025 et autorisé dans l’Union européenne en août 2025. L’OMS a publié en juillet 2025 de nouvelles recommandations le préconisant en prévention.
En France, des essais cliniques sont en cours, dont PURPOSE 5, coordonné par l’Hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris.
🕓 Infographie suggérée : Chronologie du lénacapavir (2021-2025) – Découverte, essais PURPOSE, AMM FDA/EMA.
Vers une PrEP annuelle
Une étude publiée en avril 2025 dans The Lancet a testé une formulation annuelle du lénacapavir, administrée par injection intramusculaire. Les résultats préliminaires chez 40 volontaires montrent des concentrations sanguines supérieures aux seuils d’efficacité connus, ouvrant la voie à une PrEP d’une seule dose par an.
La recherche d’un vaccin : des pistes prometteuses
L’Institut de recherche vaccinale (VRI), l’Inserm et l’ANRS-MIE ont annoncé en 2024 des résultats encourageants avec le CD40.HIVRI.Env, un vaccin expérimental utilisant un anticorps monoclonal ciblant les cellules dendritiques. L’essai de phase I (72 volontaires) a montré une bonne tolérance et une réponse immunitaire durable. Un essai au Pérou doit suivre en 2025.
D’autres pistes explorent les anticorps neutralisants à large spectre (bNAbs) et les vaccins à ARN messager, technologies déjà prometteuses pour d’autres infections.
Vers la guérison : nouveaux cas de rémission
La conférence CROI 2025 à San Francisco a annoncé deux nouveaux cas de rémission du VIH, portant à dix le nombre mondial de rémissions confirmées. Ces cas, obtenus après greffes de cellules souches, ne sont pas reproductibles à grande échelle, mais ils éclairent les mécanismes de guérison potentielle.
Les défis de l’accès et de l’équité
Le prix, obstacle majeur
En France, le lénacapavir (Sunlenca) coûte environ 42 000 € par an (deux injections). Ce prix rend son déploiement en PrEP difficile à grande échelle.
En juillet 2025, Gilead, le Fonds mondial, la Fondation Gates et Unitaid ont annoncé la future mise à disposition de versions génériques à 40 $/an à partir de 2027 dans 120 pays à revenus faibles et intermédiaires.
Atteindre les populations les plus exposées
Il faut étendre la PrEP au-delà des HSH urbains : femmes, jeunes migrants, travailleurs du sexe et jeunes LGBT restent sous-représentés malgré leur exposition élevée. Les associations plaident pour une prévention inclusive et communautaire.
Vers la fin de l’épidémie en 2030 ?
L’ONUSIDA estime qu’avec une volonté politique forte, la pandémie de sida pourrait être éradiquée d’ici 2030, à condition d’atteindre les objectifs 95-95-95 : 95 % des personnes vivant avec le VIH diagnostiquées, 95 % sous traitement, et 95 % avec une charge virale indétectable.
La France s’en approche avec 94-96-97, mais l’incidence des contaminations stagne autour de 3 600 nouvelles infections par an. Il faut intensifier la prévention combinée : dépistage, PrEP, préservatif, traitement post-exposition et éducation.
🗣️ Max, 19 ans, jeune HSH :
« J’ai grandi dans une époque où on parle du VIH comme d’un vieux souvenir. Pourtant, quand j’ai voulu faire mon premier test, j’étais tétanisé. On a besoin d’en parler sans honte, surtout entre jeunes. »
En Europe, la France reste parmi les pays les plus performants, au coude-à-coude avec l’Allemagne (96-97-98) et le Royaume-Uni (97-98-98), mais ces deux pays enregistrent une baisse plus nette des nouvelles infections, grâce à un dépistage plus précoce et une diffusion massive de la PrEP.
Et parce que le virus ne s’attaque pas qu’au corps, les études rappellent que près d’une personne séropositive sur trois souffre d’épisodes dépressifs ou d’isolement social.
💬 Dr Boulanger : « Le traitement médical fonctionne à merveille, mais la guérison sociale, elle, reste inachevée. »
Conclusion
En octobre 2025, la lutte contre le VIH en France se trouve à un tournant. Les progrès médicaux sont spectaculaires : traitements efficaces, charge virale indétectable, PrEP ultra-performante, et perspectives de vaccin ou de rémission.
Pourtant, l’épidémie persiste, avec plus de 5 000 nouveaux diagnostics par an, des diagnostics encore trop tardifs, et un risque d’essoufflement du financement public.
Les défis sont désormais autant sociaux et politiques que médicaux : assurer un accès équitable aux innovations, soutenir la prévention communautaire et combattre la stigmatisation.
💬 Act Up-Paris :
« Tant qu’une seule personne vivra avec le VIH sans le savoir ou sans traitement, notre combat continuera. Le VIH n’est pas terminé : la solidarité non plus. »
Bibliographie
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Santé publique France — VIH et IST bactériennes en France. Bilan 2024. 2024.
https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/documents/bulletin-national/vih-et-ist-bacteriennes-en-france.-bilan-2024 (Santé publique France) -
Santé publique France — Bulletin national « Surveillance du VIH et des IST bactériennes en France » Édition nationale 11 octobre 2024.
https://www.cnr-ist.fr/ressources/editeur/bullreg_vih_ist_2023_20241011.pdf (cnr-ist.fr) -
World Health Organization (OMS) — Guidelines on lenacapavir for HIV prevention and testing strategies for long-acting injectable PrEP. 2025.
https://www.who.int/publications/i/item/9789240111608 (Organisation mondiale de la santé) -
Gilead Sciences — Gilead receives positive CHMP opinions under accelerated review from European Medicines Agency for twice yearly lenacapavir for HIV prevention. 2025.
https://www.gilead.com/news/news-details/2025/gilead-receives-positive-chmp-opinions-under-accelerated-review-from-european-medicines-agency-for-twice-yearly-lenacapavir-for-hiv-prevention (Gilead) -
European Medicines Agency (EMA) — New injection: easier prevention of HIV infection in EU and worldwide. 2025.
https://www.ema.europa.eu/en/news/new-injection-easier-prevention-hiv-infection-eu-worldwide (European Medicines Agency (EMA)) -
Gilead Sciences — Gilead statement on new WHO implementation and testing guidelines for twice-yearly lenacapavir for HIV prevention. 14 July 2025.
https://www.gilead.com/company/company-statements/2025/gilead-statement-on-new-who-implementation-and-testing-guidelines-for-twice-yearly-lenacapavir-for-hiv-prevention (Gilead) -
Médecins Sans Frontières (MSF) — WHO-recommended lenacapavir could offer a path toward an HIV-free world, but only if people can access it. 14 July 2025.
https://www.doctorswithoutborders.org/latest/who-recommended-lenacapavir-could-offer-a-path-toward-hiv-free-world-only-if-people-can-access (Médecins Sans Frontières) -
Gilead Sciences — Gilead finalizes agreement with the Global Fund to accelerate access to twice-yearly lenacapavir for HIV prevention for up to two million people in primarily low and lower middle income countries. 2025.
https://www.gilead.com/news/news-details/2025/gilead-finalizes-agreement-with-the-global-fund-to-accelerate-access-to-twice-yearly-lenacapavir-for-hiv-prevention-for-up-to-two-million-people-in-primarily-low--and-lower-middle-income-countries (Gilead) -
Act Up‑Paris — “PLF 2026 : l’État étrangle la lutte contre le VIH”. 24 octobre 2025.
https://www.actupparis.org/2025/10/24/plf-2026-letat-etrangle-la-lutte-contre-le-vih
